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La mort de James C. Scott, anthropologue américain, fermier et anarchiste

Après David Graeber en 2020 et Marshall Sahlins l’année suivante, c’est une autre grande voix de l’« anthropologie anarchiste » qui s’est tue. L’anthropologue et politiste américain James Campbell Scott est mort, le 19 juillet, à son domicile de Durham, dans le Connecticut (Etats-Unis). Il avait 87 ans.
Professeur émérite de sciences politiques et d’anthropologie à l’université Yale (Connecticut), il a consacré l’essentiel de sa réflexion à l’Etat, aux instruments de son pouvoir sur les individus et les collectifs – en particulier les nomades, les montagnards et les communautés agraires – et aux moyens mis en œuvre par ceux-ci pour y échapper. Ce face-à-face asymétrique entre l’Etat et ses marges indociles structure toute son œuvre académique, tardivement découverte en France, où ses ouvrages n’ont commencé à être traduits qu’à la fin des années 2000. Il est aujourd’hui l’un des chercheurs en sciences sociales les plus lus et discutés dans le monde.
Né en 1936 dans le New Jersey, James Scott est issu d’un milieu aisé. Son père est médecin dans une petite ville, Beverly ; sa mère est originaire d’une grande famille de Philadelphie. Son père meurt d’une crise cardiaque alors qu’il n’a que 9 ans. James Scott racontera plus tard cette épreuve, le désespoir et l’alcoolisme de sa mère, la dégringolade sociale, l’école comme refuge. Etudiant talentueux, il entre au Williams College (Massachusetts) en 1954 pour suivre un cursus dominé par l’économie. En 1958, il fait son premier déplacement sur le terrain en Birmanie, en vue d’un mémoire sur le développement économique du pays – il confessera plus tard avoir accepté de rédiger à cette époque, à la demande de la CIA, un rapport sur des étudiants birmans.
Après ce premier voyage, il fait de l’Asie du Sud-Est sa région d’intérêt et de prédilection. Il soutient en 1967 sa thèse de doctorat en sciences politiques à Yale et enseigne, pendant près de dix ans, à l’université du Wisconsin, à Madison. Il prendra ensuite un poste de professeur à Yale, l’université qu’il ne quittera plus jusqu’au terme de sa carrière. « A la fin des années 1960, en pleine guerre du Vietnam, je donnais un cours sur les révoltes paysannes, racontait-il au Monde, en juillet 2019. Il m’a semblé que je devais me concentrer sur la paysannerie et y consacrer toute ma carrière, simplement parce qu’il s’agit de la classe sociale la plus importante de l’histoire mondiale. »
En 1976 paraît son premier ouvrage important, sur les révoltes paysannes au Vietnam et en Birmanie (The Moral Economy of the Peasant. Rebellion and Subsistence in Southeast Asia, Yale University Press, 1976, non traduit), dans lequel il soutient que la rupture des liens sociaux, dans le monde paysan, consécutif à la transformation autoritaire des économies et des pratiques agricoles, peut conduire des communautés agraires à la révolte. « Je me suis ensuite convaincu que, si je voulais avoir des choses intelligentes à raconter sur la vie des paysans, j’aurais tout intérêt à partager leur vie pendant quelque temps », disait-il aussi.
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